Alberic est intelligent, peut être légèrement trop. → Froid comme un glaçon en apparence, difficile de cerner le personnage au premier coup d’œil. → Les épaules larges et le dos droit, il a une démarche singulière ; qui ajoute à sa charme ou au contraire le fait devenir plus insolite. → Etrange gamin, fils plus ou moins parfait. La bonne société l’accueille, il ne parle pas beaucoup et demeure d’un calme olympien. S’en est presque flippant pour tout vous avouer. → Il est rare de croiser un mec aussi bizarre. Il n’inspire pas la sérénité et la clairvoyance. Une oreille à qui l’on peut se confier, une épaule sur laquelle pleurer. → Non, Alberic est diffèrent. Son contrôle de lui-même n’a pas grand-chose de naturel. On le dit timide, on soupçonne l’enfant d’être un brin renfermé. → Des problèmes de communications ? Peut être. → Puisqu’une fois seul dans son monde, Alberic est une cocote minute prête pour l’explosion. Il hurle sa détresse et braille son allégresse. Il balance les meubles et crie sa douleur. → Car Alberic ne comprend pas bien le monde, ne se trouve pas de place. Perdu, il se noie bientôt dans la marée humaine qu’est la vie. → Il n'a pas un mauvais fond, s'occuper des petites vieilles le dimanche après midi n'est pas ce qui le fera fuir. → Mais Alberic ne sait pas s'y prendre, avec les gens qui tentent de l'approcher. Et la meilleure solution qu'il ait trouvé, c'est de les fuir à grandes enjambés.

La mélancolie est une affreuse conquête, qui s’attache à ses flancs et ne veut le voir sous aucuns prétexte quitter son sein. Dangereuse amante, qui le lie à son cœur, qui l’entraîne dans l’abyme et ne souhaite point son bonheur. Lui, pauvre bougre, attiré par la décadence et la souffrance, suit l’insolente demoiselle afin d’y périr. Seigneur et aventurier. Il rêvasse à plus de choses. Gigantesques monuments, tragédies grandioses. Reniflant l’atmosphère glacée, ça lui irrite les narines, ça emplie ses poumons d’une étrange sensation. Serait-ce donc ses funérailles que l’on compose ? Les fleurs noirs, les visages pâles et les larmes. Gouttelettes d’eau salée qui roulent sur les joues, laissant sur les pommettes saillantes des maîtresses le filet couleur d’encre. Mascara, rimmel. Maquillages plus ou moins bien fait. Contrefaçon vulgaire d’épouses âgées, il en remarque le moindre apparat. Dégouté peut être, il détourne le regard. Puis enfonce sa bouille cadavérique dans ses mains humides. La neige les transformant en deux outils immaculés. Il imagine certainement. Le choc doit lui faire perdre la raison. Cascade de chimères et d’illusions. Il n’est pas défunt. S’étant juré de ne pas céder à la tentation, en exprimant ses vices sur les corps des autres. Apportant les stigmates qui le hante, sur les chairs marmoréennes des simples innocents. Débiles créatures, plongées dans l’inconséquent d’une perception erronée. La sienne. Malheur, imperturbable bourreau. Tortionnaire de son âme, tourmentant inlassablement ses pensées. Trop sombres sont t’elles. Ebauches et élucubrations de sa mièvre folie. Furies virevoltant excessivement, la gueule grande ouverte. Mâchoire dont ses iris ne ratent pas d’apercevoir les crocs. Semblable à celle d’un requin qui affamé, fond sur la carcasse putride. L’odeur nauséabonde ne serait le contourner de son but. L’homme ou l’animal. Le morceau de viande est à lui. L’enfant sert les dents, craignant de n’avoir mal. Et plisse fermement ses paupières, ne désirant pas devenir spectateur de sa lamentable chute. Contemplations insensées d’un candide freluquet. Qu’il cesse ou qu’on lui déchire la gorge ! Soufflant de dépit et de réconfort. Le mélange est audacieux, il approuve et applaudit son intellect. Renversement de situation agréable, le jouvenceau se complet dans sa morne crédulité. Ephèbe sauvagement naïf. Faute, chuchote t’on tout bas. Ce ne sont là que des apparences, mise en place par un superstitieux. Allures saugrenues d’un cancre cannibale. Puisque cet homme se nourrit exclusivement de son prochain. Choisissant avec soin la gazelle à dépecer. Et il se remémore, ce qu’il avait jusque là oublié. La flaque, et sa servitude infecte face aux éléments qui le dominent. Qui parle de domination d’ailleurs ? Il hait ce concept, autant qu’il déteste celui qui le dépasse. Fragile soldat de plomb qui risquerait de se briser si on en venait à casser son orgueil. Personne en ce miséricordieux cosmos n’ira à son encontre. Ni ne se dressera devant sa fougue scabreuse. Ce serait là compromettre ses chances de réussites et par cette obscène infortune, perdre un bras ou une guibole. Un œil et aussi une dizaine de quenottes. Ne tentons pas le diable. Les vieilles bigotes regardent l’avorton se débattre dans sa fange. Il est en retard. Encore. Habite impardonnable, les grincheuses vont le lui faire payer. Cependant, la sentence devra attendre. Un soupçon de bonté traverse leur figure de corbeau bossu et déplumé. Coassement amusant, selon le point de vue du démon froid et cynique, sur le grill brulant.