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J'étais surexcitée. Exaltée, impatiente, en pleine surchauffe. Oh, pourtant, des filles comme elle, j'en croisais tous les deux jours. Elle, tous les deux jours. elle n'avait pourtant pas grand chose de particulier, mis à part cette aura particulière qui est propre à toutes les comédiennes. Du talent, je ne savais pas si elle en avait : j'aurais pu trouver toutes les qualités au pire acteur du pire des navets. néanmoins, elle avait ce (...) cette chose, cette grandeur dans les yeux qui en bouchait un coin à plus d'un.
Tout ceci n'a rien de sensuel, ni de quoi que se soit d'autre : non, pour elle, j'éprouvais seulement de l'admiration. Et pourtant, cette fille me semblait incroyablement proche. Comme si elle avait assisté aux moments les plus intimes de ma vie. Ou pire : comme si j'avais moi-même assisté à des moments privilégiés, et s'en était presque sale. Je sentais entre Clémentine Chevalier et moi-même une proximité plus que singulière.

J'avais passé plus d'une heure à ranger mon appartement qui était apparemment aussi douillet pour moi que pour la poussière : je rentrais pourtant du travail, et ce n'est pas la fatigue qui me manquait. Je sentais en moi l'irrésistible envie de retrouver ma couette douillette, le ronronnement de mon chat, et les rires des anneciens ivres morts que laissaient passer mes vitres. Mais non. Il fallait que je reçoive chez moi cette fille, Clémentine, afin de m'aider quant à l'organisation de la première d'un de ses spectacles. Je les aimait bien, ces spectacles : mais organiser une première, c'était pas vraiment dans mes cordes. C'est donc naturellement que je l'avais invité à venir passer la soirée chez moi, pour m'aider à gérer tout ça. Elle devait être une star, une immense actrice, et donc bien connaître tout ça. Une pointe de stress monta en moi : peut-être cela l'agacerait-elle ? La dépasserait ? Pire : En aura-t-elle quelque chose à cirer ?
La fatigue m'entrainait de plus en plus et mes paupières semblaient empreintes à la gravité, mais mon cœur battait la chamade. Au travail, j'avais passé la journée à penser à cette soirée, et pour cause : la dernière fois que nous nous étions vu, elle et moi, j'avais semble-t-il fait une gaffe. A quel niveau, je l'ignorais, mais Clémentine avait depuis une certaine tendance à m'ignorer. Mais je l'avais déjà vu quelque part, j'en étais sûre.
Enfin, mes nerfs lâchaient. Mon souffle se faisait plus lent, plus calme, plus serein. Dans les bras de Morphée, je partais dans des délires incongrus à propos de Clémentine. C'est à ce moment là que la comédienne décida d'appuyer sur la sonnette. Je me levais d'un bond, me prenais la table basse dans les jambes, et chutait. «J'arri(...)» disais-je en un souffle court, me tordant de douleur. Cette table basse, je ne l'avais jamais aimé. Je me relevais pourtant après une brève hésitation :je serais bien restée là, pendant qu'elle attendait derrière la porte. Sans doute poireauta-t-elle trop longtemps, car elle déclencha une nouvelle fois la sonnette, et ce juste au moment où je me décidais à ouvrir la porte. « Me voilà. Désolée je (...) » Regard accusateur vers ma table basse qui se portait à merveille. « Bref, entre, je t'en pris. » J'étais ridiculement décoiffée, mon genoux me faisait affreusement mal, et elle était là, devant moi. La soirée commençait vraiment très bien.